Enjeux
L’accessibilité universelle est un « concept d’aménagement qui favorise la réalisation d’environnements sans obstacle pour toutes les clientèles, qu’il s’agisse, par exemple, de personnes à mobilité réduite (fauteuil roulant, marchette, etc.), malentendantes, aînées ou encore immigrantes ».1
En d’autres mots, elle nous invite à planifier et à aménager nos villes pour qu’elles soient réellement accessibles pour tout le monde!
Lorsqu’on aménage nos villes en portant attention aux critères d’accessibilité universelle, elles deviennent source d’inclusion plutôt que d’exclusion.2
Pour atteindre l’accessibilité universelle, il faut porter attention aux différentes formes d’accessibilité.
Pour travailler, étudier, remplir nos responsabilités et participer à la vie sociale, on doit pouvoir se déplacer librement d’un point à un autre.
On doit aussi pouvoir accéder aux lieux publics, aux bâtiments publics ou privés (de travail, d’éducation, de loisir, de commerce, d’administration, etc.) et aux moyens de transport.3
Accessibilité physique
Que vise l’accessibilité physique?
Que l’accès et l’utilisation d’un lieu public, d’un bâtiment, d’un moyen de transport ou d’un équipement soit absolument sans obstacle. Cela, peu importe l’état de santé des personnes, leur taille ou leurs capacités physiques (motrices, visuelles ou auditives).4
Pendant longtemps, nos sociétés parlaient de « personnes handicapées ». Elles considéraient ces personnes à partir d’une vision médicale de leur état de déficience physique.
Aujourd’hui, on ne parle plus d’handicaps attachés aux personnes. On parle plutôt de situations de handicap provoquées par l’état et l’aménagement des lieux et des bâtiments. Il faut corriger ces situations de handicap pour offrir la possibilité à tout le monde de s’intégrer pleinement à la société.5 6
Enfin, on parle des personnes à mobilité réduite quand on aborde plus spécifiquement leurs capacités de déplacement (c’est-à-dire leur mobilité). Ce sont l’ensemble des personnes qui éprouvent des difficultés physiques à se déplacer dans leur environnement, de manière temporaire ou permanente.7 Ça comprend les personnes qui :
- ont des déficiences sensorielles (vue, ouïe);
- ont des déficiences motrices ou des incapacités au niveau des membres;
- sont en moins bonne condition physique (à cause d’un problème de santé, d’une maladie, du vieillissement, d’une grossesse, etc.);
- sont de petite taille;
- se déplacent avec des bagages lourds ou des chariots de provisions;
- et, se déplacent avec des bébés ou de jeunes enfants.8
Pour favoriser la mobilité urbaine de tout le monde, il est nécessaire que les villes soient aménagées pour éliminer les différents obstacles d’accessibilité physique.
Accessibilité financière
Que vise l’accessibilité financière?
Que l’accès et l’utilisation d’un lieu public, d’un bâtiment, d’un moyen de transport collectif ou d’un équipement soit absolument sans obstacle. Cela, peu importe le revenu et la situation financière des personnes.
En 2017, entre 1,4 et 1,6 millions de personnes (adultes et enfants) vivaient sous le seuil de revenu viable au Québec, c’est-à-dire un revenu « permettant de vivre dignement et d’échapper à la pauvreté ». Il s’agit de 17% à 19% de la population.9
Parmi ces personnes, 743 000 avaient un revenu si faible au point de ne pas pouvoir subvenir convenablement à leurs besoins de base (logement, nourriture, vêtements, etc.).10
Lorsqu’on a déjà de la difficulté à payer son logement, sa nourriture et ses vêtements, il ne nous reste presque plus d’argent à consacrer aux déplacements.
C’est pourquoi la totalité des personnes à faible revenu vivent un déficit de mobilité: les principaux moyens de transport coûtent trop cher!
- Posséder une voiture coûte entre 4 500 $ et 20 000 $ par année.11
- Des laissez-passer mensuels d’autobus pour une personne coûtent par année 1062$ à Montréal, 1074$ à Québec, 870$ à Trois-Rivières, 873$ à Saguenay, 979,20$ à Sherbrooke et 1260$ à Rimouski.
Les personnes à faible revenu doivent donc souvent s’empêcher de se déplacer pour respecter leur budget limité. Lorsque les déplacements sont absolument nécessaires, elles doivent couper dans leurs besoins essentiels ou, encore, s’endetter.
Pour favoriser la mobilité urbaine de tout le monde, il est nécessaire que le transport en commun soit offert à un prix abordable pour les personnes à faible revenu.
Les villes doivent également s’assurer que les quartiers les plus défavorisés soient très bien desservis par le transport en commun et par les infrastructures de transport actif (trottoirs, pistes cyclables, etc.).
Les autres formes d’accessibilité
Il y a accessibilité numérique quand la mobilité urbaine est sans obstacle pour les personnes qui vivent une ou des limitations numériques, comme :
- l’absence de possession d’un appareil électronique (ordinateur, tablette, téléphone intelligent);
- le manque de connaissances pour bien faire fonctionner un appareil électronique;
- ou, l’absence de connexion Internet à la maison.
Il y a accessibilité littéraire quand la mobilité urbaine est sans obstacle pour les personnes qui vivent une ou des limitations littéraires ou linguistiques, comme :
- des difficultés importantes en lecture;
- ou, une connaissance réduite de la langue courante (exemple : le français).
Il y a accessibilité culturelle quand la mobilité urbaine est sans obstacle pour les personnes qui manquent de repères culturels pour bien comprendre le fonctionnement des déplacements dans leur ville.
La sécurité couvre trois aspects :
- la sécurité routière à proprement dit (face aux accidents de la route);
- la sécurité face à l’intégrité personnelle (face au harcèlement public, aux agressions physiques, aux agressions sexuelles);
- et, le sentiment de sécurité, généralement associé aux transports actifs et en commun dans les lieux publics.12
Les femmes représentent le groupe le plus touché par l’insécurité urbaine dans les rues, dans les installations de transports en commun (arrêts ou terminus d’autobus, métro) et dans les stationnements.13
Cette insécurité entraîne des conséquences importantes dans la vie des femmes. Par exemple, après la tombée de la nuit, le sentiment de sécurité des femmes diminue au point que plusieurs modifient leur trajet ou s’empêchent de sortir.
La sécurité et le sentiment de sécurité dans les déplacements sont généralement affaiblis dans divers moments :
- en présence de trottoirs enneigés ou glacés;
- lors d’un partage difficile de la route avec les automobilistes;
- aux heures de pointe (situation de stress et congestion);
- en présence de risques d’agression;
- dans des terminus d’autobus éloignés ou fréquentés par des individus intimidants;
- et, sur des pistes cyclables éloignées et sombres.14
Aussi, les femmes portent un sentiment d’insécurité non pas uniquement pour elles, mais aussi comme mère de leurs jeunes enfants, ou en tant que proche aidante d’une personne à mobilité réduite.
Le soir, de nombreuses femmes vivent un fort sentiment d’insécurité. C’est pourquoi elles modifient leur trajet ou s’empêchent de sortir.
Plusieurs causes expliquent ce sentiment d’insécurité généralisé :
- l’achalandage dans les lieux publics est réduit;
- il existe une tolérance sociale face aux comportements sexistes dans l’espace public (insultes, interpellations des femmes, gestes à caractère sexuel, etc.);
- certains hommes adoptent des attitudes intimidantes lorsqu’ils sont en groupe;
- et, les risques d’agressions sexuelles existent bel et bien.15
Ce sentiment d’insécurité peut avoir plusieurs effets différents sur les femmes.
Certaines s’isolent socialement, observent un couvre-feu personnel ou ne sortent qu’accompagnées.
Celles qui ont les moyens financiers préféreront utiliser leur propre voiture plutôt que de prendre le transport collectif.
Ce sentiment d’insécurité a un effet sur le choix du type de transport. Il limite l’égalité des chances en termes de mobilité, de liberté, et d’accès aux lieux publics.
Pour aller plus loin
- Ville de Namur. (2021). « La ville une affaire d’hommes ?, Les crocodiles, Illustrations par Thomas Mathieu ». Récupéré de www.le-nid.be/sites/default/files/20140509_expo_la_ville_une_affaire_dhommes_0.pdf
- Centre d’éducation et d’action des femmes de Montréal. (2019). « Campagne d’affichage féministe contre le harcèlement de rue ». Récupéré de www.ceaf-montreal.qc.ca/public/2019/10/campagne-daffichage-feministe-contre-le-harcelement-de-rue.html?fbclid=IwAR1B7-L0VDLfL_At540Lr1p_c-f1oqQkGDFRgKj1tarwyMOVzfSGemV1Pdo
- Centre d’éducation et d’action des femmes de Montréal. (2019). [Vidéo interactive et immersive sur le harcèlement de rue]. Récupéré de www.ceaf.ivid.ca
- Secrétariat d’Etat chargé de l’égalité de France. « Campagne contre le harcèlement sexuel ». Récupéré de www.calvados.gouv.fr/harcelement-de-rue-a8594.html
- Jessica Nadeau. (2017). « Le harcèlement de rue, une violence faite aux femmes banalisée ». Récupéré de www.ledevoir.com/societe/495920/sondage-sur-le-harcelement-de-rue
- Anne Jarrigeon. (2019). « Être une femme dans la ville, ou l’art de l’esquive ». Récupéré de https://fr.forumviesmobiles.org/video/2019/06/18/etre-femme-dans-ville-ou-lart-lesquive-12987
Un sondage à Montréal dans les années 2000 a révélé que 60 % des femmes avaient peur de se promener seules le soir dans leur quartier comparativement à 17 % pour les hommes.
Marie, 38 ans
À cause de mon état de santé, et pour des raisons financières, j’ai de la misère à me déplacer car il faut toujours que je sois accompagnée, il m’est impossible de payer une passe de bus pour moi-même et tous mes enfants. Malheureusement, le STAC refuse la présence de mes enfants. Je déplore le fait de devoir choisir lequel de mes enfants aura sa passe mensuelle.
Anonyme, 58 ans
Je ne sors pas le soir, et j’évite des déplacements en soirée car je ne me sens pas en sécurité.
Les recherches en urbanisme montrent qu’il existe en ville des différences entre les femmes et les hommes dans leur vie quotidienne.16
La gestion du temps social, professionnel et personnel n’est généralement pas la même selon les sexes. Les types de déplacements effectués et la complexité de ceux-ci sont aussi différentes.
C’est pourquoi les hommes et les femmes ont généralement des comportements de mobilité distincts. Il est important d’en tenir compte dans l’aménagement des lieux publics et dans la planification des projets de transport.17
Traditionnellement et encore aujourd’hui, le domaine des transports et de l’aménagement est majoritairement masculin. Les projets dans ce domaine sont donc souvent pensés et faits par des hommes.
Ceux-ci oublient encore trop souvent (involontairement ou inconsciemment) certaines réalités spécifiques vécues par les femmes lorsqu’ils conçoivent les projets et les priorités d’action en transport et en aménagement urbain.18
Les lieux publics et les systèmes de transports se retrouvent à l’image des réalités de ces hommes (et des autres qui leur ressemblent). Les besoins spécifiques des femmes en mobilité sont peu ou mal comblés.
Conciliation famille-travail-études
Dans les dernières années, les recherches ont observé un changement dans le partage des responsabilités familiales entre les jeunes pères et les jeunes mères.
Cependant, le partage équitable des responsabilités familiales entre les femmes et les hommes n’est pas encore atteint au Québec. « Les femmes font encore davantage de tâches ménagères et familiales ».19
C’est pourquoi l’enjeu de la conciliation famille-travail-études est généralement beaucoup plus important dans la vie quotidienne des femmes. Et il est étroitement lié à leur mobilité.
Par exemple, les femmes ont tendance à travailler plus près de leur lieu de résidence. Aussi, elles se déplacent beaucoup plus entre les heures d’ouverture des écoles et des garderies.20
Des habitudes de mobilité différentes
On remarque que les femmes font plus de déplacements que les hommes dans une journée normale. De plus, elles s’arrêtent plus souvent entre leurs différents déplacements.21
Pourquoi?
C’est qu’en plus d’aller travailler et/ou étudier, les femmes se déplacent beaucoup pour faire l’épicerie, pour faire des commissions et pour chercher/reconduire une autre personne (par exemple: les enfants).22
Pour aller plus loin
- Accès transports viables. (2020). « Conférence sur les besoins spécifiques des femmes en matière de pauvreté». [Vidéo]. Récupéré de www.facebook.com/watch/live/?v=165542248234010&ref=watch_permalink
- Les couilles sur la table. (2018). « Des villes viriles ». [Vidéo]. Récupéré de www.youtube.com/watch?v=AfxFEZ0PRMs
- Vidéo a pour objectif de présenter les travaux de recherches et de formation sur le thème du genre et des mobilités. Récupéré de www.youtube.com/watch?v=4R1JGpjmwC8
- Conseil économique, social et environnemental de France. (2020). « Pourquoi parler de genre dans l’espace public? ». [Vidéo]. Récupéré de www.youtube.com/watch?v=9sK41VxV8oU
- Villes Régions Monde. (2017). « Genre et espace public ». Récupéré de www.vrm.ca/genre-et-espace-public
- TerraFemina. (2018). « Pourquoi les toilettes publiques pour femmes continuent d’être bondées alors que ces messieurs ne font quasiment jamais la queue? ». Récupéré de www.terrafemina.com/article/sexisme-que-cache-la-queue-aux-toilettes-pour-femmes_a341064/1
Les femmes sont minoritaires comme employées dans les domaines du transport et de la machinerie23.
Elles sont aussi minoritaires dans toutes les instances de pouvoir de la société :
- dans le monde politique (les députées et les cheffes de gouvernement)24 25;
- dans les conseils d’administration des entreprises privées26;
- etc.
Parmi les femmes représentées dans ces lieux de pouvoir, beaucoup sont privilégiées socialement. Il y a peu de représentations des femmes qui vivent avec une limitation physique (motrice, auditive et/ou visuelle), des femmes immigrantes, des femmes de couleur, des Inuites, des femmes des Premières-Nations, etc.
Les femmes ne sont pas seulement sous-représentées dans les lieux de pouvoir. Elles sont aussi sous-représentées dans les différentes activités de consultation publique et de participation citoyenne!
Les obstacles rencontrés par les différentes femmes pour prendre part aux activités de consultations publiques et de participation citoyenne sont nombreux et variés. En voici plusieurs.
- Les différences de position sociale dans les relations et les rencontres peuvent être intimidantes pour les citoyennes (par exemple : se présenter devant un expert masculin et blanc lors d’une consultation publique, quand on est une femme immigrante et monoparentale). Des rapports de pouvoir peuvent aussi avoir lieu.
- Les organisations et les gouvernements manquent souvent de connaissances sur les diverses réalités sociales. Cela les amène à planifier des activités de participation citoyenne qui excluent d’emblée certains groupes de la population. La communication et le déroulement des activités publiques et citoyennes passent souvent par les mêmes canaux. Les délais prévus sont parfois inadéquats (par exemple, quand ils sont trop serrés).
- Les procédures trop formelles pour prendre la parole peuvent décourager celles qui n’ont pas l’habitude ou qui ne connaissent pas cette façon de faire.
- Les femmes en situation de précarité financière sont souvent obligées de prioriser leurs besoins de base et ceux de leurs enfants. Il y a peu ou pas de place dans leur vie pour de la participation citoyenne.
- Les femmes à faible revenu ne peuvent pas se payer les frais de gardiennage nécessaires, ni les passages en transport en commun pour se déplacer sur les lieux de participation citoyenne (quand ce n’est pas dans leur quartier).
- La conciliation famille-travail-études est souvent difficile pour plusieurs femmes. Comme les tâches ménagères et familiales ne sont toujours pas partagées équitablement dans les couples, cela réduit le temps de disponibilité des femmes pour les activités de participation citoyenne.
- L’absence d’accessibilité physique, financière, culturelle, numérique, linguistique ou littéraire crée de lourdes barrières à la participation (par exemple: des lieux sans rampe d’accès, l’absence d’interprètes en Langue des signes du Québec (LSQ), l’utilisation d’un jargon technique, etc.).